AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
Les 20 ans de la loi Toubon (2) - par MAR le 20/10/2014 - 20:24
Les 20 ans de la loi Toubon (2)
Contribution à lhistoire de laction de la rue de Valois
en faveur de la Langue française :
Le rôle méconnu, voire occulté, des associations
pour le français et la Francophonie
Le rôle des associations pour le français et la Francophonie est resté longtemps méconnu, voire sciemment minimisé, y compris dans les rapports remis aux pouvoirs publics, et jusque dans un colloque important très officiel, présenté en journée détudes quasi universitaires, et bien organisé le 13 octobre 2014 au Sénat, sur le Bilan des 20 années dapplication de la "loi Toubon" 94-665 du 4 août 1994.
Législateurs et fonctionnaires des organismes officiels tendent, en France plus naturellement peut-être que dans dautres pays développés, à se parer des plumes du paon, et à ne présenter au public que leur action, en taisant les précieux apports de la société civile.
Or, pour lhistorien(ne), il peut être intéressant, voire indispensable pour la manifestation de la vérité de nombreuses archives en faisant foi de sintéresser aussi à laction propre des syndicats et associations diverses, quelle soit ou non associée à celle des acteurs publics.
Tel est le sens, dans le domaine régalien du français et de la Francophonie, de la présente contribution quun collectif dassociations françaises a jugé nécessaire dapporter aux historiens et sociologues, et qui pourrait en cas de besoin être complétée par ses auteurs.
Une constatation simpose dabord : en cette matière, véritable cas décole, laction associative a précédé laction du législateur, et a le plus souvent inspiré*, complété, voire dépassé ensuite largement dans lapplication des textes, celle des organismes officiels.
Je ne remonte ici que jusquà Philippe Rossillon** pour les textes de 1966 (Haut-Comité de la Langue française), de 1972 (terminologie et commissions), de 1975 : "loi Bas-Lauriol", qui n'eût pas existé sil n'en eût pas rédigé le brouillon, puis encouragé les deux députés.
En ce qui concerne la Francophonie institutionnelle* : à Philippe Rossillon et à l'éminent Québécois Jean-Marc Léger, épaulés par Bernard Dorin, Hyacinthe de Montera, Xavier. Deniau, Martial de la Fournière, Daniel Jurgensen, des amis africains et autres, est largement dû le traité ACCT, de 1970, ancêtre de lactuelle OIF, présenté comme tombé du ciel...
Encore en avril-mai 1992, Philippe Rossillon et les autres promoteurs dALF née fin 92, ont été à l'origine des actions parlementaires (MM. Deniau, Bellon, Legendre, Schumann, Toubon, et quelques autres) pour faire introduire dans l'article 2 de notre Constitution la très précieuse phrase : "La langue de la République est le français".
Et ce fut ALF, avec l'appui vigoureux de Rossillon alors encore en vie*, qui, dès 1992, se mit au travail pour rédiger ce qui fut la première esquisse de la loi du 4/8/94, la présenta à Mme Tasca, travailla avec ses conseillers (A. Ladousse, et aussi J. Simon), puis, après le changement de gouvernement du printemps 1993, présenta lesquisse à M. Toubon et travailla avec ses conseillers MM. Portiche, Gény, Marek).
Aucun des deux ministres na fait allusion à ce travail
Notre rôle a été ignoré, au colloque, par les intervenants qui ont fait référence pour sen féliciter à l'inscription en 2008 de la Francophonie dans la Constitution, enfin obtenue (titre XIV, art. 87), après nos tentatives opiniâtres conduites en maintenant pendant 16 ans la mobilisation de nos amis parlementaires lors de toutes les révisions constitutionnelles réalisées entre 1992 et notre succès final en 2008. Il sest pourtant agi dune action constante et acharnée dALF, dont des archives témoignent.
Ignoré allègrement aussi le lancement, par 32 associations, du fort débat médiatique du 1er semestre 2013 au sujet du funeste article 2, modifiant la loi Toubon, du projet Fioraso par lequel nos grandes écoles et universités passaient à lenseignement en anglais. La mobilisation réussie du public ainsi orchestrée a débouché sur des amendements intéressants (dont linterdiction de formations exclusivement en anglais) présentés par des parlementaires de divers bords politiques. Il nest que trop humain quils en aient la gloire. Mais lhistorien et le sociologue honnêtes devront retenir le grand mérite de nos 32 associations, agréées et non agréées. Nos archives sont à leur disposition.
Ignorés enfin nos recours signés par 13 associations, déposés contre les établissements et les ministères qui ont violé sans vergogne la loi du 22/7/2013 et son précieux amendement interdisant des formations diplômantes exclusivement en anglais.
Cette évidente forfaiture fut, dans le colloque du 13 octobre, recouverte d'un voile pudique. Mentionnée brièvement çà et là, sans relief ni insistance.
Sa dénonciation par nos associations a été presque complètement étouffée.
Une partie du public put peut-être en déduire quil sagissait dune entorse sans gravité.
Pourtant, si elle prenait de lampleur, ses conséquences sur la cohésion nationale, la vitalité intellectuelle et linfluence internationale de la France, seraient certainement désastreuses.
Nous informerons historiens et sociologues des suites données à nos recours.
Albert Salon, docteur dÉtat ès-lettres, ancien ambassadeur, commandeur du Mérite national, président dAvenir de la langue française et coordinateur de réseaux francophones nationaux et internationaux.
* Les rapports pertinents au Parlement, le programme et les intervenants politiques et universitaires du colloque important et bien organisé du 13 octobre 2014, la liste des associations agréées par les ministères de la Culture et de la Justice, et celle de la trentaine dassociations françaises non agréées qui agissent en synergie, peuvent être consultés respectivement :
- dans les services de lAssemblée nationale et du Sénat ;
- à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), 6 rue des Pyramides - 75001 Paris et sur son site www.dglf.culture.gouv.fr :
** Sous légide dAvenir de la langue française (ALF), un essayiste historien termine un livre sur Philippe Rossillon. Il prépare aussi, avec lOIF et une équipe, une histoire de la construction des institutions de la Francophonie jusquà lactuelle Organisation internationale (OIF).