AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
La francophonie ontarienne surfe sur la vague électorale
Officiellement déposé le 14 novembre 2017 à Queen’s Park, le projet de loi 177 omnibus, inclus dans le projet de Loi de 2017 pour un Ontario plus fort et plus juste, vient confirmer les avancées majeures effectuées dans trois dossiers tenant particulièrement à cœur la communauté franco-ontarienne : la création de l’Université de l’Ontario Français, l’ancrage juridique du bilinguisme de la Ville d’Ottawa et le transfert de gouvernance du Centre Jules-Léger d’Ottawa aux conseils scolaires francophones de la province. Alors que certain.e.s reprochent la faiblesse de ces projets de loi, soulignent leur caractère clientéliste en raison de la période électorale, qu’en est-il réellement?
Aller de l’avant
Dans une lettre d’opinion commune, le Regroupement Étudiant Franco-Ontarien (RÉFO), l’Assemblée de la Francophonie Ontarienne (AFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) ont fait part de leur satisfaction en première lecture de ces projets de loi. Carol Jolin, président de l’AFO, souligne que rien que le fait que ces projets de loi soient déposés permet d’aller de l’avant dans ces dossiers.
« D’avoir cet omnibus là pour la francophonie, c’est un grand pas en avant », affirme Jolin, en expliquant qu’en ce qui concerne la Ville d’Ottawa, la principale avancée est l’ancrage juridique de l’accès aux services en français. « Le maire Watson a toujours dit que l’on avait un bilinguisme au niveau des services de la ville d’Ottawa », précise-t-il, en nuançant qu’en tant que règlements, ces derniers pouvaient facilement être modifiés par un nouvel administrateur ne partageant pas la même attitude envers la francophonie.
Impacts sur la ville d’Ottawa
Une perception partagée par Jocelyn Leblanc, co-président du RÉFO, qui attire l’attention sur les recours juridiques que cette législation offrira aux Franco-ontariens résidant à Ottawa. Pour sa part, Michèle Rochette, la gestionnaire de la Direction des services en français de la ville d’Ottawa, confirme simplement que la municipalité « continuera d’offrir aux résidents des services de qualité en anglais et en français ».
À l’instar de Jolin, les associations francophones saluent la nouvelle avec plus d’enthousiasme. « Pour l’image d’Ottawa, cela va changer beaucoup », s’exclame ce dernier, tout en reconnaissant que ces projets chers à la communauté franco-ontarienne sont avant tout portés par les prochaines échéances électorales. « Ce n’est pas tellement surprenant », nuance-t-il, en précisant que c’est une chance à saisir car ce genre de situation permet l’aboutissement de « projets de longue haleine ».
Toronto, future de la francophonie ?
Alors que le Rapport Adam, définissant le mandat et les instances de la future Université, n’aborde la création que d’un seul campus délimité à la région Sud-Sud-Ouest de la grande agglomération de Toronto, Leblanc et Colin s’accordent sur la priorité devant être accordée aux populations desservies dans ce secteur.
« Le besoin est là, c’est évident », reconnaît Jolin avant de souligner que d’ici les années 2020, « le bastion de la francophonie en Ontario ce sera la grande région de Toronto ». « L’Université vient répondre à un besoin pressant », ajoute-t-il en soulignant l’importance d’avoir « un continuum de l’éducation [francophone] depuis la petite enfance jusqu’au post-secondaire ». Leblanc estime pour sa part que ce nouvel établissement post-secondaire va pouvoir répondre aux besoins des populations francophones qui quittent l’agglomération pour étudier, et peut-être arriver à les fixer dans la région de Toronto.
L’UOF à Toronto, première brique
Leblanc précise néanmoins que la création de l’Université de l’Ontario Français (UOF) et du campus à Toronto n’est qu’un début, une étape vers l’établissement d’un réseau universitaire provincial, conforme au mandat que les organisations franco-ontariennes ont reçu des États généraux de la francophonie ontarienne, organisés en 2012 à l’Université d’Ottawa.
Il n’en demeure pas moins que le reste de la province, et notamment les régions de l’Est et du Nord, souffre également d’un profond déficit au niveau de l’enseignement post-secondaire offert en français. « Ce sont des enjeux qui sont similaires », fait remarquer Leblanc en insistant sur la nécessité d’élargir l’UOF à l’ensemble de la province, soit par la création de nouveaux campus, soit en collaboration avec les structures déjà existantes, dont celles du Collège Boréal.
« Cela pourrait faciliter l’offre de services dans certaines régions du Nord et répondre à un besoin, mais cela ne se fera évidemment pas au 1er septembre 2020 », explique à ce sujet Colin, en attirant l’attention sur les nombreuses critiques portées à l’encontre de l’Université Laurentienne qui ne remplirait pas son mandat à ce niveau, ainsi que la nécessité de mettre en avant une gouvernance par et pour les francophones.
Une proche gouvernance
Ce dernier enjeu est également déterminant en ce qui a trait au Centre Jules Léger, une institution qui offre des services adaptés à des populations d’enfants nécessitants des besoins spécifiques à leurs situations. En tant qu’ancien président de l’Association des enseignants franco-ontariens, Jolin salue le transfert de gouvernance du Centre, actuellement administré par le ministère ontarien de l’Éducation, vers les conseils scolaires francophones qui sont, selon lui, « près du terrain et près des besoins de la communauté ».
Un transfert de gouvernance qui pourrait en effet se révéler des plus pertinents dans la mesure où, jusqu’à présent, les communications avec le centre demeurent gérées par le ministère ontarien de l’Éducation et effectuées exclusivement en anglais.
Une situation « extrêmement problématique » pour Leblanc, qui, tout en regrettant le manque d’espace francophone, souligne la tendance à ce que la langue seconde des franco-ontariens, l’anglais, tend à devenir « plus facile et plus automatique à parler ». « Quand c’est le cas, c’est rendu que ta langue seconde devient ta langue principale et c’est là où il y a de l’assimilation », s’indigne-t-il.