AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
Revue Corela. Cognition, représentation, langage, Hors-série no 28 - Les affordances langagières : textualité numérique, matérialité discursive
Auteures : Yosra Ghliss, François Perea et Catherine RuchonMaison d'édition : Cercle linguistique du Centre et de l'OuestAnnée : 2019
Ce numéro est consacré à la notion postdualiste d'affordance, à la fois circulante et en débat. Dans sa définition la plus sommaire, l'affordance s'entend comme l'incitation à l'action. Les objets environnants lancent des signaux qui suscitent de la part des organismes un certain éventail d'actions. Initiée par Gibson (1979) dans le champ de la psychologie sociale, elle est définie comme l'ensemble des potentialités d'action offertes par l'environnement. La notion a été ensuite largement reprise en sciences sociales (Bradner, 2001; Kaufman et Clément, 2007; Franchak, Van Der Zalm et Adolph, 2010; Paveau, 2012, etc.).
Les articles qui composent ce volume empruntent à différents courants, des visual studies (Mitchell, 1994) à la praxématique (Lafont,1978 et 1994) et à l'énactivisme (Varela, Thompson et Rosch,1993) qui tous permettent de prolonger une notion issue de l'éthologie puis de la psychologie cognitive mais qui dans ses fondements pose la question centrale des relations entre le vivant, l'organisme, l'animal, le sujet et l'environnement au sens large (objectal et/ou vivant). Les comportements du sujet humain sont-ils déterminés par l'environnement? Quels sont les liens entre intention et incitation du milieu (l'umwelt d'Uexküll)? Si l'on s'en tient à la thèse déterministe selon laquelle les objets guideraient nos actions, dans quelle mesure intégrer la part de libre arbitre du sujet actant? Faut-il pour autant faire abstraction de l'expérience subjective? Si l'on s'oriente au contraire vers une interaction continue entre sujet et environnement, voire vers une incorporation – au sens littéral – du milieu, comment repense le rapport au réel? Selon un principe d'affordance inversé, c'est aussi le corps qui guide l'interprétation sémiosique et sert d'appui aux catégories conceptuelles du monde.
Ce sont ces questions auxquelles souhaite répondre ce numéro consacré aux affordances numériques. Son positionnement est par essence postdualiste puisqu'avec le web 4.0 et les objets connectés, la tekhnê et le corps ne font bientôt plus qu’un. La théorie des affordances fournit un point de départ à une réflexion productive sur l'interprétation du monde dans la perspective postdualiste qui peut ainsi être interrogée dans des recoins encore peu explorés car peu praticables : comment en effet questionner le rapport au réel sans en faire de ce dernier une réalité extralinguistique?
Le résumé publié est un extrait de l'Introduction.