AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
Gvts et démolition du français et de la Francophonie - par Albert Salon le 16/11/2014 - 23:03
Attitude des gouvernements français
et uvre de démolition de la langue française et de la Francophonie : 2007-2014
Graves atteintes tolérées, voire portées, depuis 2007 au texte
et surtout à lesprit de la Constitution (art. 2) et de la loi Toubon
Cela malgré les discours des deux Présidents de la République successifs, à partir de celui, de campagne, de 2007 à Caen, dont il convient de souligner lexcellence :
1) 2007-2012
- En janvier 2008, les parlementaires français ratifient le Protocole de Londres et le renoncement à lexigence de traduction intégrale des brevets européens. Il na pas été tenu compte de lavis très défavorable de lAssemblée Parlementaire de la Francophonie (APF).
- En janvier 2009, les représentants de la France ont renoncé au rang de langue de travail du français au sein de lAgence internationale des énergies renouvelables (IRENA), et poussé les autres pays de la Francophonie à faire de langlais la seule langue, entérinant ainsi lhégémonie linguistique anglo-saxonne, contre les intérêts de tous les francophones.
LOrganisation Internationale de la Francophonie (OIF) tente un rattrapage consistant à faire évoluer le régime linguistique de lIRENA vers le plurilinguisme : avec quel appui français ?
- En juin 2009, le Conseil Économique, Social et environnemental (CESE) écrit dans un rapport" que "le recours à langlais comme code commun se généralise, sans que cela soit nécessairement une menace pour la diversité des langues. C'est une facilité dont certains Français hésitent encore à se servir, alors que, pour dautres, cest la solution miracle".
- En juin 2010, larrêté ministériel instituant langlais comme seule langue obligatoire pour lépreuve orale du concours dentrée à lÉcole nationale de la magistrature (ENM) est validé par le Conseil dÉtat.
- En janvier 2012, lAgence française pour le Développement (AFD), établissement public agissant pour le compte de lÉtat, émet un appel à projets pour une conférence le 14 juin à Paris. Elle exige de la part des soumissionnaires francophones des réponses exclusivement en anglais. Saisis par nos associations, les pouvoirs publics compétents nont pas réagi.
- Plus insensiblement, le français en France a perdu dautres positions au cours de ce quinquennat. Ainsi, les autorités de laéronautique civile, du transport et du contrôle aérien français ont achevé dimposer lusage exclusif de langlais dans ces domaines. Il en est allé de même dans les sciences et la recherche, pour les appels à projets de lAgence nationale de la Recherche (ANR). Un recours de nos associations fut rejeté par le Conseil dÉtat.
- Dans les institutions européennes, le gouvernement français na fait montre daucune fermeté ni opiniâtreté pour maintenir les positions de la langue française, attaquées quotidiennement par nos partenaires-adversaires ; il a même toléré que ses instructions et circulaires, notamment celle davril 2004 de M. Raffarin, fussent ignorées et bafouées par ses propres fonctionnaires, voire par ses ministres.
- En ce qui concerne la francophonie mondiale, insensiblement au cours de ces années, le gouvernement français a accentué la diminution des crédits pour notre action culturelle à létranger (écoles, lycées, établissements denseignement supérieur, instituts et centres culturels, Alliance française, Mission laïque ) ; il a mondialisé davantage laide française au développement au détriment dune préférence pour les pays francophones ; il na pas sensiblement augmenté ses contributions aux institutions de la Francophonie-Communauté (OIF), tout en renforçant encore la préférence à son élargissement au détriment de son approfondissement ; il a, dans le "triangle Ottawa-Paris-Québec", rompu de fait léquilibre délicat en privilégiant fortement les relations avec le Canada fédéral, au détriment de celles, naguère très étroites, quil entretient depuis le Général de Gaulle avec lÉtat fédéré québécois.
2) 2012-2014 : Le quinquennat suit et renforce la ligne du précédent
- Dès janvier 2013, les pressions exercées depuis le début du siècle par certains milieux universitaires (MM. Pierre Tapie, le Pr Auger, Richard Descoings, entre autres) partisans de lenseignement en anglais dans nos grandes écoles et universités - pressions déjà partiellement victorieuses sous le ministère de Mme Valérie Pécresse - ont maintenant abouti. Mme Fioraso put présenter un projet de loi portant réforme de lenseignement supérieur, dans lequel un article 2 ouvrait grandes les vannes de lenseignement en anglais, par une extension pratiquement illimitée des dérogations déjà permises par la loi Toubon.
Les réactions très vives de 32 associations en synergie, la mobilisation par leurs soins des académies, de diverses institutions et personnalités éminentes, ainsi que de parlementaires de tous bords, dont MM. Pouria Amirshahi (et ses 40 députés PS) et Daniel Fasquelle (UMP), ont conduit à des amendements. Le plus important de ces amendements pose linterdiction doffrir des formations diplomantes exclusivement en anglais.
Mais la présence de ces amendements dans le texte voté, puis promulgué le 22 juillet 2013, na pas empêché une joyeuse prolifération, de formations illégales. Cela, plus grave encore, dans le silence et linaction complices des ministères auxquels la loi Fioraso votée fait pourtant obligation expresse daccréditer les formations nouvelles, donc de refuser laccréditation aux formations illégales.
Contre ces offres illégales, 14 associations, dont les principales agréées par les ministères de la Culture et de la Justice pour veiller à lapplication de notre législation linguistique, ont déjà déposé des recours gracieux et sapprêtent à en déposer dautres, ainsi que des recours juridictionnels devant les tribunaux administratifs compétents.
Elles estiment urgent que lÉtat rétablisse en la matière une légalité ouvertement bafouée.
- Le Président de la République en exercice avait annoncé en 2012 dans ses thèmes de campagne la ratification de la Charte des Langues régionales et minoritaires. Or une disposition très importante de cette charte rendrait possible pour ces langues daccéder au moins en partie à lofficialité. Elle avait été jugée inconstitutionnelle par la Cour de la rue Montpensier. Les associations rappellent que la République na quune langue officielle. Les co-officialités détruiraient lunité de la Nation et nuiraient gravement à la langue française.
- Depuis 2013 : la circulaire davril 2013 du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault sur lobligation faite aux agents publics français demployer la langue de la République en France, à Bruxelles (UE), et dans les institutions internationales, na pas été respectée.
- Les pouvoirs publics ont fait preuve dun mépris croissant à légard des associations qui, très actives, veillent à lapplication de la législation linguistique, et dont trois sont, à cet effet, agréées par les ministères de la Culture et de la Justice. Leurs actions conjuguées ont été jugées gênantes à loccasion de laffaire Fioraso, notamment à ses débuts, car elles avaient appelé en vain à réagir les ministres dont les fonctions étaient directement affectées par le passage à lenseignement en anglais : Mme Benguigui (Francophonie), Mme Filippetti (langue française en France), M. Fabius (réseau culturel à létranger, encore remarquable).
Gênante aussi leur action collective visant à obtenir, dans une grande campagne nationale "Communes de France pour la Langue française", léquivalent dun referendum dinitiative populaire en faveur du français, contre son remplacement imposé par un "globish pour tous"
- Dans ce contexte de désarroi et dabandon, il ne faut pas sétonner de ce que la Commission de Bruxelles se soit crue justifiée à envoyer à lautomne 2014 aux plus hautes autorités françaises une note en anglais du reste humiliante dans son contenu et sa forme - sur la présentation de son budget national. Lusage de langlais seul ajoutant à lhumiliation lexpression dun mépris ouvertement insultant que des gouvernements français antérieurs neussent eux - jamais toléré. Il devient essentiel et urgent de mettre un terme à une telle arrogance, comme à notre inadmissible tolérance.
-En ce qui concerne la francophonie mondiale, le gouvernement français a certes réaffirmé dans ses discours à la fois lengagement francophone de la France, et un intérêt un peu réanimé pour la relation franco-québécoise, mais il garde en fait, là aussi, la même attitude fondamentale que son prédécesseur immédiat. Sa contribution à la préparation du Sommet francophone des chefs dÉtat et de gouvernement en novembre 2014 à Dakar, et à la délicate succession du Secrétaire général de lOIF, a manqué de vision et de sérieux.
Les Français les plus critiques à légard de la politique gouvernementale du français et de la Francophonie depuis 2007 utilisent les constats ci-dessus pour dresser un réquisitoire en forfaiture et en trahison, et y voir le résultat dune propagande et dune action impériales de plusieurs décennies soutenue par nos "collabos de la pub et du fric" selon Michel Serres.
Nous ne voulons pas croire à cette thèse du complot. Plutôt à un "air du temps" qui est propice à tous les désarrois et abandons, et qui ne touche pas seulement la France.
Mais avouons quil est de plus en plus difficile de sen tenir à "lair du temps" si commode.
Albert Salon, docteur dÉtat ès lettres, ancien ambassadeur, commandeur du Mérite national, coordinateur de réseaux francophones internationaux.