Dossier loi 101: l’auteur Yves Beauchemin met les points sur les i

Dossier loi 101: l’auteur Yves Beauchemin met les points sur les i

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Source : Geneviève Girard, www.rivesudexpress.ca
La langue française est en voie de disparition, ni plus ni moins, selon le Longueuillois 

RIVE-SUD ― L’homme de 72 ans n’a pas mâché ses mots lorsqu’est venu le temps de commenter l’importance et le respect accordés à la langue française localement, et en tant que nation. Il en a vu d’autres. Il est mécontent, comme plusieurs, de l’anglicisation constante de la province. Vivement une ligne directrice claire pour redresser la situation, clame-t-il. 
 

«Le français est un château qui a été bombardé de façon intense pendant longtemps; il ne reste que des ruines.» C’est ainsi qu’on pourrait résumer les pensées et le point de vue exprimés par l’écrivain de renom lors d’une entrevue accordée au Rive-Sud Express.ca. 

Les manquements de loi 101 et de l’affichage, la langue en péril un peu partout, les jeunes chez qui le taux de pénétration de l’anglais est effarant, l’inaction du gouvernement Charest et la précarité du règne d’un Parti Québécois minoritaire, tout y est passé. 

Selon Yves Beauchemin, la promulgation de la loi 101 en 1997 «a été providentielle pour le Québec». Si on y avait refusé de confirmer le français comme étant la langue officielle provinciale, «si cette mesure n’avait pas été prise», la majorité ne serait pas francophone, mais bien anglophone, à 70% contre 30%», martèle-t-il avant d’y aller d’un exemple frappant. 
«Comme vous (en s’adressant à la journaliste); vous ne travailleriez pas pour un journal francophone si ça n’avait pas été de ça. Il n’aurait jamais été ouvert», illustre le Longueuillois. ([N.D.L.R.] Le Rive-Sud Express.ca fête cette année ses trois ans.) 

Mais cette promulgation est le seul élément positif qu’a souligné M. Beauchemin durant l’entretien. 

Dix ans de fausses notes 
Citant en exemple le collectif citoyen Mouvement Montérégie français, qui défend ardemment la langue française depuis 2009 (voir autres textes). Leur travail est nécessaire, efficace et très révélateur, certes, mais il y a quelque chose qui cloche tout de même, croit-il. 

«On ne peut pas demander aux gens de se sacrifier pour promouvoir le français, dénonce-t-il, une pensée partagée par le collectif. Pendant tout le temps qu’a siégé le gouvernement Charest, pendant neuf ans, il ne s’est rien fait! On les entendait parfois nous en parler, avec une voix émue, mais rien n’a été réalisé. C’était un devoir sacré.» 
Mais la base, le noyau des libéraux était majoritairement formé d’anglophones, il soutient qu’on a sûrement eu peur de les perdre en s’engageant dans des démarches ou des réajustements vouant plus de pouvoir à l’Office québécois de la langue française (OQLF). 

«Le gouvernement Marois est minoritaire et sera renversé bientôt, indique M. Beauchemin. Les experts disent que ce sera le printemps prochain. Les chances du Parti québécois sont faibles en raison de la division du vote souverainiste. Et ce n’est pas Philippe Couillard (advenant son élection à titre de premier ministre) qui arrangera la situation pour ne pas déplaire à ces partisans anglophones.» 

Plus tard, il abordera la grande question. «On doit devenir un pays. Quand tu es une province, tu ne fais que subir. On le voit bien avec Harper.» Puis, les confessions s’enchaînent. 

Corriger les erreurs 
«Le français recule et l’anglais avance, poursuit le ténor de la littérature québécoise. On le voit à Montréal, mais ça paraît aussi dans la couronne Sud, surtout à Brossard (voir autres textes). C’est là que l’anglais progresse le plus. Est-ce parce que les anglophones s’anglicisent? Non, c’est un recul évident du français.» 
Et les raisons sont multiples. L’immigration et la francisation sont du nombre, mais il y aussi la relève en défense de la langue qui inquiète M. Beauchemin. «Si on veut que le Québec français continue d’exister, les jeunes sont à la base. S’ils continuent à associer et à utiliser l’anglais à une langue de plaisirs, d’action, de divertissements, ou pour gagner leur vie, les jeux vont être faits.» 

Jeunes et moins jeunes sont aussi de plus en plus bombardés de publicités et ont pris l’habitude de fréquenter des commerces dont les noms ou le service posent problèmes, que ce soit de petites entreprises de quartier ou de grandes chaînes du quartier DIX30. L’anglais prédomine à certains endroits, et ça en devient banal. 

«Le commerce General Bearing Service, sur le chemin de Chambly, me fait sourire chaque fois. Ça fait longtemps que ça m’agace. Ils ont reçu un avis de l’Office québécois de la langue française qui demandait d’ajouter un générique explicatif. Théoriquement, leur affichage serait conforme à la loi parce qu’ils ont ajouté les «inc.» et les «cie», mais ils rient de nous. C’est 15 fois plus petit que ça devrait l’être, déplore l’homme de lettres.» 

Le générique explicatif aurait plutôt dû ressembler à «General Bearing Service – Pièces de voitures», par exemple, question de respecter les règles établies et de permettre aux consommateurs de distinguer facilement le type de commerce. 

Yves Beauchemin en rajoute en ricanant: «Et soyez certaine que je n’aurai jamais d’abonnement au World Gym à Longueuil!». 
«Le bon sens nous dit que lorsque l’anglais prédomine, ce n’est pas une bonne chose. Ça prouve que les compagnies se foutent pas mal de leurs clients. Quand Staples est arrivé au Québec, le nom a été changé pour Bureau en gros; même chose pour Radio-Shack, qui est devenu La Source. C’était habile de faire ça, et ça doit les servir.» 

«Y’a une législation à faire. Il faut obliger des gens-là (les entreprises) à nous respecter. Le Québec ne représente que 2% de la population en Amérique du Nord. À 8 millions d’habitants, on est une bourgade. Faire respecter la loi, c’est une question d’estime de soi! On veut être ce qu’on est! Une fille, c’est une fille, pis un gars, c’est un gars! Est-ce qu’on n’a pas le droit d’être ce qu’on veut, ce qu’on est?»