AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

Graham Fraser ouvre une enquête sur le financement des médias en milieu minoritaire

Auteur: 
Association de la presse francophone

Une coalition d’organismes francophones tire la sonnette d’alarme quant à l’avenir des médias de langue française en milieu minoritaire: inquiets de la chute graduelle des achats publicitaires du gouvernement du Canada dans leurs communautés, ils demandent au commissaire aux langues officielles d’enquêter le plus rapidement possible et à Ottawa de renverser la cadence.

Depuis 2013, et compte tenu de la montée en popularité d’internet comme source d’information et de divertissement, le gouvernement fédéral a instauré une politique visant à accroître la diffusion de ses publicités et avis publics sur le Web.

Cette décision a mené à une baisse importante des revenus de la presse écrite francophone et des radios communautaires de langue française en milieu minoritaire, pour qui les publicités et avis publics d’Ottawa constituent, depuis des décennies, une source de financement prévisible et majeure.

La situation est extrêmement préoccupante, a soutenu en entrevue la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Marie-Claude Rioux, à l’origine de la plainte logée à Graham Fraser.

«Au Courrier de la Nouvelle-Écosse, ces revenus sont passés de 200 000 $ à 50 000 $ par année. Pour les radios, on parle de 50 000 $ à 10 000 $ pour chacune d’entre elles. Ce n’est pas une “mesure positive” », dit-elle.

Les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles prévoient en effet la mise en place de «mesures positives» par le gouvernement afin de «favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones et d’appuyer leur développement».

Selon Mme Rioux, cette décision remontant à 2013, dont les effets se font de plus en plus sentir, constitue une violation de la Loi.

Des appuis

Elle n’est pas la seule à le croire: depuis le dépôt de sa plainte, l’Association de la presse francophone (APF), la Quebec Community Newspaper Association (QCNA) et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) se sont jointes au recours. D’autres s’apprêteraient à le faire.

La plainte de Mme Rioux a déjà été accueillie par le commissaire Graham Fraser, qui a déclenché une enquête formelle qui pourrait s’échelonner sur près de six mois.

À l’APF, on souligne que le placement publicitaire du gouvernement du Canada dans les 23

journaux membres est passé de 1,9 million $ en 2006 à seulement 435 000 $ en 2013. La  population de langue française de l’extérieur du Québec compte pour environ 4 % de la population, mais les journaux et radios de langue française de ce territoire ne recevraient pas  plus que 2 % du total de l’enveloppe publicitaire totale du fédéral.

Selon Denis Poirier, éditeur du journal Le Métropolitain de Toronto et de trois autres publications en Ontario, vice-président de l’APF,  on n’a pas tenu compte de la spécificité des communautés francophones minoritaires au moment de prendre cette décision.

«Si les journaux et les radios francophones ne survivent pas, il n’y aura simplement plus aucun média qui parlera des enjeux et des priorités francophones en milieu minoritaire».

Cette décision s’inscrit au sein d’un problème plus large qui touche les communautés francophones, ajoute pour sa part la FCFA, le principal organisme porte-parole des 2,6 millions de francophones du pays vivant à l’extérieur du Québec.

«D’un côté, il y a cette érosion des moyens financiers des journaux et des radios communautaires et, de l’autre, il y a l’effritement des stations régionales de Radio-Canada. Ce qui est en jeu, c’est la capacité des francophones de s’informer en français sur leur milieu», explique le directeur des communications Serge Quinty, soulignant que cette problématique fait partie des priorités électorales de l’organisme.

Invité à réagir, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui administre la politique d’achat publicitaire du gouvernement fédéral, a confirmé collaborer à l’enquête du commissariat aux langues officielles, mais n’avait pas offert d’autres commentaires au moment d’écrire ces lignes.