AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

L’intégration mot à mot des élèves allophones

Auteur: 
PAULINE TYLINSKI, ww.paris-normandie.ft

 
Éducation. Autrefois scolarisés en classes d’accueil, les élèves allophones arrivants en France n’ont plus que quelques heures hebdomadaires pour apprendre le français. Un nouveau choix d’intégration.
 

Une classe, quinze histoires. Ils s’appellent John-Marius, Loredana, Jancy, Lujain, Jovial, Rihab... et sont élèves quelques heures par semaine en classe de FLS (français langue seconde) au collège Barbey-d’Aurevilly. Le reste de la semaine, ces élèves allophones, dont le français n’est pas la langue maternelle, sont scolarisés dans d’autres collèges de l’agglomération, inscrits dans un cursus ordinaire. « Dans l’académie, les classes d’accueil pour élèves non francophones (CLA), où ils étaient tout le temps ensemble, n’existent plus beaucoup depuis dix ans. Le choix est maintenant d’intégrer les enfants dans une classe. Ils apprennent plus vite avec leurs pairs. Aujourd’hui, nous ne sommes plus sur la même politique d’intégration. C’est plus rapide avec ce dispositif », détaille Véronique Priour, référente Casnav (Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage).
 
« MISER SUR 
LE POTENTIEL 
DE L’ENFANT »
 
Pour ces 563 élèves inscrits dans l’académie, c’est le chemin d’une scolarité entamée ailleurs qui se poursuit en France. Dans le second degré, ces élèves allophones arrivants sont inscrits dans des classes correspondant à leur niveau, sans dépasser un écart d’âge de plus de deux ans. « Le Casnav gère les enfants de 11 à 18 ans. L’accueil scolaire débute par un entretien au CIO, avec un conseiller d’orientation-psychologue, moi-même et l’enfant, où on le positionne par rapport à son parcours scolaire dans son pays. Ensuite, il y a une évaluation. J’adapte selon les cas mais, on regarde la compréhension, la lecture, s’ils connaissent l’alphabet latin, s’ils savent lire dans leur langue d’origine. Et il y a les mathématiques aussi, c’est très important de voir s’il y a des logiques et des réflexes installés. Voir la capacité des enfants en termes de mémoire. Selon son âge et son parcours, on regarde quelle classe sera la mieux adaptée, on réfléchit déjà à l’orientation de l’enfant. Il y a toujours de la bienveillance : miser sur le potentiel de l’enfant et lui laisser le temps. On travaille dans le cadre d’une orientation réussie », précise Véronique Priour. Au total, ce seront six ou douze heures hebdomadaires qui lui seront attribuées en classe de FLS.
 
Christine Loudière est professeur dans cette classe dédiée aux élèves allophones à Barbey-d’Aurevilly. « Au départ, pour apprendre, on s’appuie sur des situations de la vie courante pour qu’ils puissent se débrouiller très vite. Et plus ça va, plus on progresse vers le français classique », confie l’enseignante. Une photo encadrée de ses élèves trône sur son bureau. « Quand on découvre une leçon, il y a un temps commun. Ensuite, pour les enseignements linguistiques, c’est en groupes de niveaux. Dès que je le peux, je parle de civilisation avec eux. »
 
Au-delà de la langue française, il y a la culture. Loredana, 11 ans, est originaire de Roumanie. Zef, qui est en classe avec ses deux sœurs, a quitté son Kosovo natal depuis 11 mois. Kadiatou, 14 ans et demi, a quitté le Mali pour retrouver sa mère et sa sœur. Rihab, 16 ans aime écouter le raï qui lui rappelle l’Algérie. En quelques mois, tous se sont démenés pour apprendre le français. Elira, arrivée du Kosovo l’année dernière, n’en parlait pas un mot. « Au début, c’était trop dur. Mais maintenant, c’est bien ». Si l’Éducation nationale a opté pour une intégration directe dans les classes ordinaires, ces quelques heures en « classe d’accueil » leur sont indispensables. « Je préfère cette classe, où je peux parler », « J’ai appris plein de choses ». Pour Christine Loudière, cette classe est « comme un nid, où les petits oiseaux vont sortir ensuite. Je leur dis qu’ici c’est le laboratoire. On fait des expériences, on se trompe, et c’est normal. Et quand on sort, on sait. Le but, c’est qu’ils s’intègrent ».
 
PAULINE TYLINSKI
 
p.tylinski@presse-normande.com