AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

Un adjuvant de poids à la francophonie - par Francis Gandon le 01/11/2013 - 15:35

Vendredi, 1 Novembre, 2013

Un adjuvant de poids à la francophonie :
la défense du consommateur

Il est intéressant de mieux cerner le rôle que la défense du consommateur peut jouer dans la promotion du français.

Devrait être déposé le projet de Loi suivant :»La nature et la composition de tout bien et service sont indiquées dans un français COMPRÉHENSIBLE et de manière EXHAUSTIVE à l’exclusion de tout recours à une quelconque «assistance en ligne» et de quelconques forums de discussion sur Internet. En cas de traduction, l’indication originale française sera toujours sur le recto de la notice[1] ou le devant la boîte, au dessus d’éventuelles traductions. De possibles slogans en langue étrangère devront être traduits[2], en tant que relevant de la description du produit».

Ce projet pourrait être déposé à l’Assemblée, peut-être comme amendement à la Loi Toubon de 1994. Apparemment modeste, ses conséquences seraient cardinales :

  • Le dénoté ferait retour au cœur de la description contre la dérive connotative du nom propre incompréhensible. On parlera de «routeur» et nom de «livebox» (boîte de vie» ?).
  • Une description exhaustive et lisible — y compris matériellement pour les presbytes — liquiderait la pratique grotesque de la traduction microscopique de l’insignifiant en 27 ou 30 langues ; réinstaller le significatif au cœur de la description contraindra à condenser, clarifier, hiérarchiser, présenter les rubriques de façon cartésienne…
  • Récuser l’association du technique au connotatif constituera, notamment en informatique[3], un frein puissant aux pseudos innovations, prétextes à dérouter, asservir, escroquer. Il sera plus difficile de justifier l’obsolescence d’un produit, comme une imprimante — cela vient de m’arriver — du fait d’un simple changement de logiciel. En d’autres termes, convaincre qu’il faut changer de voiture parce qu’on a repeint la ligne jaune (comparaison donnée par Ch.-X. DURAND) deviendra plus ardu.

Cette disposition devrait suffire. Elle devra être couplée avec un accroissement significatif des agents de la DGCRF (ce à quoi le précédent régime tournait strictement le dos) et s’appliquera évidemment aux entreprises françaises à l’étranger. Or il y a urgence : les entreprises transnationales sont en effet passées à la vitesse supérieure dans l’obscurantisme, le barbarisme et la barbarie. Tout indique que le pire est à venir.

Ouvrons ici une sous-rubrique :»On ne s’ennuie jamais avec Orange» —, Morceaux choisis du «guide d’emploi» d’une clé «Everywhere» (sic) d’Orange (France-Télécom) à Madagascar.

«S’il vous plaît il faut utiliser la accessoires originaux ou les accessoires qui sont autorisés».
[…]
«Interdit d’être démonté par des non professionnels…»
[…]
«l’intervalle de température du fonctionnement est de -10° C- + 60° C et d’humidité de 5% à 95% sont recommandés.»
[…]
«le mal traitement par l’utilisateur final»
[…]
«quelque soit que ZTE avait été avisé ou pas»
[…]
«N’ouvrez brutalement pas le couvercle avant».
[…]
«L’utilisation des appareils électroniques émetteurs est interdite dans des places comme avion….»
etc.

Gardons en tête qu’il s’agit d’une notice technique émanant d’une entreprise française à destination d’un pays francophone.

L’explication : il Semblerait que la version originale de ladite notice soit en anglais. S’apercevant ensuite qu’on avait affaire à une clientèle francophone, un bricolage linguistique a dû être effectué par une officine quelconque (chinoise ? sud-africaine ?) D’où ces invraisemblables barbarismes[4].

Les compagnies françaises font tout pour occulter leur origine….avant de s’apercevoir que ce recherche la clientèle malgache, mauricienne, indienne…ce sont des produits français. D’où ces malhabiles relaps sur fond d’une détestation de tout ce qui est francophone. En périphérie tananarivienne, les nouveaux centres commerciaux ouverts par des Français d’origine indienne ont la majeure partie de leurs enseignes en anglais. (invité à déjeuner dans un «Food center», j’ai poliment décliné).

Je livre pour ce qu’elles valent ces quelques réflexions, assorties toutefois de propositions concrètes réalisables.

Francis Gandon, professeur honoraire

[1] Certains produits pharmaceutiques français donnent en premier le texte anglais, en second le supposé « original ». BIC note l’identité de ses produits en anglais monolingue, le texte français n’étant utilisé qu’en petits caractères, avec sept ou huit autres langues. Tout cela reste symboliquement très néfaste.

[2] Faute de pouvoir les interdire. Mais ne devrait-on pas revenir là-dessus ? J’imagine la tête des crânes d’œuf d’Air-France (sans trait d’union : tiens, mon correcteur orthographique proteste) avec leur « Flying blue » (volant bleu ?)

[3] Sait-on, à ce sujet, que le premier micro-ordinateur, le Micral, a été créé en 1973 par l’ingénieur français François Germelle ? Que sont-ils devenus l’un et l’autre ? Qu’est devenue la technique Goupil qui devait équiper les écoles françaises et francophones (un certain nombre d’ordinateurs Goupil ont même été envoyés en Afrique).

[4] Autre gag : Orange a gardé en malgache le slogan commençant par « Be » : soyez ceci ou cela. Mais, en malgache, be signifie « beaucoup ». D’où la proposition suivante du « forfait dimanche » : « Be Alahady » (« Soyez dimanche » en sabir), Ce que la clientèle ne peut comprendre que comme « Beaucoup de dimanche(s) » !