AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
«Pastagate»: création d'un système de tri à l'OQLF
(QUÉBEC) Le gouvernement Marois pense avoir trouvé la solution à l'embarrassant « pastagate », qui avait sérieusement terni l'image du Québec au Canada. Pour éviter que des inspecteurs soient envoyés sur le terrain pour des questions frivoles, l'Office québécois de la langue française (OQLF) mettra en place un système de tri des plaintes reçues par l'organisme.
Selon les informations obtenues par La Presse, ce nouveau mécanisme sera un élément important de l'annonce que compte faire, vendredi à Montréal, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Diane De Courcy.
En février dernier, le « pastagate » a été un cauchemar pour les communicateurs du gouvernement péquiste. Un enquêteur plutôt zélé de l'OQLF avait inspecté le Buonanotte, un restaurant en vue de Montréal, et prévenu le propriétaire Massimo Lecas que le mot « pasta » sur le menu de l'établissement n'était pas conforme à la loi et devrait être remplacé par « pâtes ». L'événement avait été décrit par Mme De Courcy comme « une crise, une grosse crise » - qui avait d'ailleurs été mentionnée dans 350 articles, dans 14 pays, jusqu'en Australie. Influence Communications avait relevé à ce moment que cette bévue avait eu 60 fois plus d'échos dans les médias que la tournée de la première ministre Pauline Marois à New York, au même moment.
Un mois plus tard, Québec faisait rouler la tête de la présidente de l'Office, Louise Marchand, pour la remplacer par Jacques Beauchemin, ancien membre de la commission Bouchard-Taylor, nommé sous-ministre pour la préparation du projet de loi 14 - la refonte de la Charte de la langue française, actuellement sur une voie de garage à l'Assemblée nationale. Mme Marchand a été nommée régisseuse à la Régie des alcools, des courses et des jeux.
Mme De Courcy avait promis une nouvelle approche pour l'Office, moins coercitive, « axée sur la collaboration, la transparence et le service à la clientèle ». « Je pense sincèrement que ces événements-là ont fait mal à tout le monde, à l'Office en premier lieu, mais aussi au Québec, aux commerçants - indépendamment de ce qu'on a pu constater comme étant des abus - , de même qu'au personnel de l'OQLF. Bref, ç'a été très nuisible. Et c'est pour ça que ça prenait un sérieux coup de barre. Dans ces cas-là, une crise devient une opportunité », avait soutenu la ministre De Courcy.
Deux vitesses
Pour éviter de nouvelles bavures, on veut mettre en place un système de tri au bureau des plaintes de l'Office pour élaguer immédiatement les cas « moins évidents ». Ce « triage » ne serait toutefois pas incarné par un seul fonctionnaire - pas question de copier le modèle des urgences d'hôpitaux, où une infirmière est affectée à l'aiguillage des dossiers.
Comme le Conseil du Trésor est bien chiche en termes de nouveaux effectifs, les enquêteurs seraient par conséquent aiguillés vers des dossiers plus prometteurs. Le dérapage du « pastagate » ne serait pas survenu avec une telle sélection. Les enquêtes jugées moins évidentes ne seront pas abandonnées pour autant, assure toutefois une source proche du dossier. Mais on aura clairement fait un classement du sérieux des dénonciations, une sorte de « gradation des plaintes ».
Les fonctionnaires de l'Immigration avaient été, au début, appelés à la rescousse pour revoir les mécanismes mis en place à l'Office. Plus tard, des contrats externes ont été accordés pour vérifier la « gouvernance » à l'organisme.
Année après année, l'Office reçoit grosso modo le même nombre de plaintes. « Un flux continu », décrit-on à l'interne. Les dernières données disponibles, soit l'étude des crédits de 2012-2013, montraient qu'une plainte sur deux portait sur des questions d'affichage commercial - une proportion comparable à celle de l'année précédente. Une plainte sur cinq porte sur la langue de la documentation sur les sites internet ou les publications d'une entreprise. La langue de service suscite 14 % des plaintes, et les dossiers d'étiquetage représentent 11 % des dossiers. La question de la langue de travail est quasi inexistante - 2 % des plaintes seulement.
Avec Serge Laplante