AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

Amoureux de la langue française, je ne peux me résigner à l'invasion et à la promotion du « bluff » et de la com'

Auteur: 
Christophe Girard, Maire adjoint (PS) de Paris

Ma requête enflammée de militant des droits de la langue française

Lettre ouverte à Madame Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie Française

Madame le Secrétaire perpétuel de l'Académie Française,

Né à Saumur, le long de la Loire et derrière l'école de cavalerie et son célèbre Cadre Noir, ayant grandi dans la douceur angevine, fait mes études au lycée David d'Angers puis étudié à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales et au British Institute de Paris, je ne peux me résigner à l'affaiblissement de notre langue et accepter les attaques quotidiennes contre le français, à la manière de ces monstrueuses grandes surfaces qui tuent à petit feu commerces et métiers artisanaux de nos villes, communes et villages.

Voici donc quelques exemples d'expressions et de mots du dictionnaire « branché » d'un nouvel esperanto : Clip, Cool, Bottom line, être au Top, Lobby , Job dating, Brand, Marketing, Trade, Dumping, Lobbying, Wording, booster, bruncher, Working process et Working progress, Teaser, Workshop, Cheap, Benchmark, Testing, Teasing, Feeling, Rush, Buzz, Bug, Concept-store, Co-working, Open-space, Free-lance, Open-bar, Open-data, Success stories, Powerpoint, Slides, Cluster, Start-up, Stand-up, Bottom-up, Corporate, Chat, Flyer, Look, être Overbooké, Speaker, Team, Full-time job, Burn-out, Coming-out... La liste est longue et affligeante.

Moi qui n'ai jamais été dans le placard (je suis out of the closet disent les anglo-saxons), je me sens le devoir de porter auprès de vous, tel un militant des droits de la langue française, cette requête enflammée pour que les plus hautes autorités de l'État et les médias français, se ressaisissent et réagissent, afin que notre langue si riche, si belle et si complexe, apprise et parlée avec tant de passion et détermination par des millions de gens, ne soit plus piétinée, contournée, abimée, oubliée, outragée, brisée et martyrisée par ces formes de paresse et de vulgarité nouvelles, mais qu'elle soit libérée!

Je souhaite de tout mon cœur, Madame le Secrétaire perpétuel de l'Académie Française, que vous entendiez mon cri d'amour pour la langue française, sur laquelle veille votre institution unique au monde. Mais si je revendique, au même moment, le droit salutaire à l'évolution de notre langue car le français est une langue plus que jamais vivante, je ne peux me résigner à l'invasion et à la promotion du « bluff » et de la « com », et donc de la facilité et de l'air du temps.

Aimer le monde moderne ou vouloir un monde nouveau requiert, me semble-t-il, une obligation de connaitre, de respecter, d'écrire et de parler notre vocabulaire, afin d'être nous-mêmes, c'est-à-dire différents, autres, singuliers et cultivés. N'est-ce pas le meilleur chemin pour faire envie au monde et d'aimer mieux la France?

Dans l'espoir de vous lire, je vous prie de croire, Madame le Secrétaire perpétuel, à l'assurance de ma haute considération.