AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

En Italie, la vallée d'Aoste espère beaucoup d'une relance de la francophonie

Auteur: 
Alice Develey

INTERVIEW VIDÉO - Alors qu'Emmanuel Macron doit faire connaître son ambition pour le rayonnement de la langue française en mars, Laurent Viérin, président de la vallée d'Aoste, explique au Figaro quelles sont ses attentes. L'occasion de redécouvrir l'histoire unique de cette région italienne.

C'est une vallée au confluent de la France et de la Suisse romande. « Le carrefour de l'Europe », selon Laurent Viérin, président de la région Vallée d'Aoste. Pour cet animateur du Forum francophone des affaires, sa chère enclave de langue française en terres italiennes a su faire de sa situation géographique et de sa francophonie, un atout incomparable. « Le français est notre identité culturelle », explique-t-il. Une parenté qui date depuis plus de quinze siècles.

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C'est une histoire d'amour vieille de plus de mille cinq cents ans qui unit en une embrassade frontalière le Pays d'Aoste et la France. Depuis le VIe siècle, au sein du Royaume de Bourgogne, au XIIIe siècle dans le Royaume de Savoie, jusqu'au XVIe siècle avec la francisation des documents officiels, le Val d'Aoste a toujours eu un lien privilégié avec les communautés francophones transalpines. Ses habitants, les Valdôtains, s'exprimant dans les écrits en français. Y compris en 1861, lorsque le Val d'Aoste, alors seul pays francophone du royaume italien, commencera à parler la langue de Dante.

Après cette date, la classe gouvernante italienne entamera une procédure de divorce avec le français, en obligeant notamment ses habitants à abandonner la langue de Molière au profit de l'italien. Une opération d'italianisation et d'assimilation qui ouvrira la voie à celle du royaume fasciste. Ce dernier anéantira, durant la Seconde Guerre mondiale, toute la francophonie valdôtaine en bannissant non seulement le français des documents officiels, des établissements scolaires et des messes mais également en obligeant des milliers de Valdôtains, alors persécutés, à s'expatrier. L'objectif était assumé : aliéner culturellement et linguistiquement ses citoyens.

Le français et l'italien sur un pied d'égalité
En 1945, la Libération sonnera le glas du nazi fascisme et offrira une voix à la poussée séparatiste qui germait depuis quelques années dans la vallée. Les Valdôtains refusant de rejoindre l'Italie postguerre, obtiendront alors, après un vaste débat, en 1946 et officiellement en 1948, un statut d'autonomie leur accordant un parlement ainsi qu'un gouvernement. Mais ce n'est pas tout. C'est en effet grâce à ce plébiscite et en réaction à l'italianisation imposée au sein des communautés valdôtaines, que ses citoyens exigeront une co-officialité du français et de l'italien. Depuis lors, les deux langues vivent sur un pied d'égalité.

Si, la langue véhiculaire demeure l'italien, la langue française, elle, n'en est pas pour autant secondaire. Elle est indifféremment parlée dans les 74 communes de la vallée et s'utilise dans les administrations, la culture, la communication, la toponymie et l'économie. « Aujourd'hui, les Français et les francophones représentent le deuxième marché touristique pour la Vallée d'Aoste », explique son président Laurent Viérin. Le français est également enseigné dans le système éducatif qui est, à tout niveau, bilingue. Voire plurilingue dans la partie allemande de la vallée.

De nos jours, la Vallée d'Aoste jouit d'un rare rayonnement francophone. « Nous faisons partie de toutes les organisations francophones, dont l'APF et l'OIF », rappelle Laurent Viérin. Le président du Val espère, à quelques semaines des annonces du grand plan d'Emmanuel Macron, pouvoir développer, grâce à ces institutions, l'aura francophone de sa région, qui en fait un cas unique dans le paysage linguistique mondial.