AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

Ensemble pour le français

Auteur: 
Jean-Marc Fournier, ministre des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne

L’auteur réagit aux textes de François Cardinal dans La Presse et de Joseph Facal dans le Journal de Montréal
 
La question de la langue est de première importance pour les Québécois. Elle nous unit, et pourtant, elle nous divise aussi. Joseph Facal nous a offert, samedi dernier, un autre exemple où le progrès de notre langue devient, sous sa plume, une mauvaise nouvelle. Il écrit: «Évidemment, La Presse, dans une de ses habituelles contorsions, a trouvé le moyen de se réjouir que 82% des anglophones disent que la dualité linguistique facilite la compréhension et fait partie de l’identité canadienne.»
 
Contorsions? Vraiment? M. Facal ne peut admettre quelque progrès que ce soit. Si les Canadiens reconnaissent un avantage francophone, c’est un des piliers de l’édifice séparatiste qui s’écroule.
 
Pourtant, les faits démontrent un changement canadien profond à l’égard du français. En 1977, 51% des Canadiens appuyaient le bilinguisme ; ce taux se situe maintenant à 84%. Le récent sondage de Patrimoine canadien va dans le même sens en indiquant que 82% des anglophones du Canada considèrent que le français fait partie de l’identité du pays. On est loin de Lord Durham.
 
Bien sûr, on ne peut pas oublier les premières années de notre fédération, qui furent pénibles pour la francophonie canadienne. La langue française fut bannie en Ontario, au Manitoba et ailleurs. Beaucoup au Canada démontraient clairement leur désir d’assimilation. Il est tout aussi clair que depuis quelques décennies, ce Canada a grandement changé. Et les sondages ne sont pas les seuls indicateurs du progrès du français.
 
Depuis les années 80, le français prend sa place. Les parents anglophones décident d’envoyer leurs enfants dans des écoles d’immersion française en si grand nombre qu’il faut souvent tirer au sort les places disponibles. La majorité des gouvernements provinciaux se sont dotés de politiques, parfois même de lois, concernant les services en français.
 
Cet été, au Yukon, une première en 150 ans: tous les premiers ministres des provinces et territoires ont décidé de viser une immigration en français au-delà de la proportion de ceux ayant le français comme langue maternelle.
 
Grand symbole de cette nouvelle acceptation du français, l’Ontario exprimait l’an dernier des excuses officielles aux Franco-Ontariens pour le bannissement du français dans les écoles au début du siècle dernier. En novembre dernier, l’Ontario adhérait à la francophonie internationale.
 
M. Facal choisit les contorsions pour éviter de reconnaître cette évolution. Habituons-nous, ce sera cela, «L’autre 150e» du Parti québécois. Une histoire tronquée, une histoire pour diviser et se chicaner et, surtout, une histoire en cul-de-sac, qui baisse les bras et ferme l’avenir au français.
 
Une forte majorité de Canadiens affirment que le français fait partie de l’identité canadienne ; cette légitimité nouvelle de notre langue devrait nous donner, à tous, le goût de relever nos manches pour continuer de faire progresser le français. Plutôt que de se diviser, on peut choisir d’être ensemble pour le français au Québec, au Canada et dans le monde. Ensemble pour le français! C’est aussi affirmer que nous sommes Québécois, et c’est notre façon d’être Canadiens.