Francophonie - La candidature de Michaëlle Jean se confirme

Francophonie - La candidature de Michaëlle Jean se confirme

Auteur: 
Le Devoir, Christian Rioux

Paris — La candidature de Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se confirme. Si rien n’est encore officiel, l’intention de l’ancienne gouverneure générale du Canada ne fait plus de doute. La semaine dernière, Michaëlle Jean assistait à Paris à une réception exceptionnelle donnée par l’ambassadeur du Canada, Lawrence Cannon, en marge de la 29e conférence ministérielle de la Francophonie. L’ancienne gouverneure générale y a été présentée de manière élogieuse à tous les ministres et chefs de mission de l’OIF.
 
C’est dans son pays natal, à Dakar, que prendra fin l’automne prochain le mandat d’Abdou Diouf, élu pour la première fois au sommet de Beyrouth en 2002. En campagne depuis le Forum mondial de la langue française tenu à Québec en juillet 2012, l’ancienne gouverneure générale a récemment visité le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Elle y était officiellement à titre de chancelière de l’Université d’Ottawa, mais était accompagnée de Philippe Beaulne, sherpa de Stephen Harper à l’OIF et ambassadeur au Sénégal. Depuis l’an dernier, Michaëlle Jean s’est aussi attaché les services de Jacques Bilodeau qui fut sherpa du premier ministre canadien dans la Francophonie.
 
Convaincre l’Afrique
 
Si le gouvernement canadien hésite à officialiser la candidature de Michaëlle Jean, c’est que l’actuelle envoyée spéciale de l’UNESCO pour Haïti est encore loin d’être assurée de l’appui des pays africains et de la France. Après le refus de la candidature canadienne au Conseil de sécurité des Nations unies, un nouvel échec serait plus qu’humiliant.
 
Or, selon nos sources, cet appui ne va pas de soi. Michaëlle Jean doit en effet séduire les Africains majoritaires à l’OIF (30 pays sur 57) et à qui, selon une règle non écrite, devrait normalement revenir le secrétariat général. D’autant plus que l’administrateur de l’OIF et numéro deux de l’organisation est le Québécois Clément Duhaime et que son mandat vient d’être prolongé jusqu’en 2018 pour assurer la transition. Pour plusieurs, cette décision inusitée serait destinée à barrer la route à un candidat du Nord. On voit mal en effet comment la Francophonie pourrait être dirigée par deux représentants du Nord, et encore moins par deux Canadiens. Le nouvel élu devrait alors porter la responsabilité de remercier l’administrateur de l’OIF qui jouit d’un prestige non négligeable, notamment auprès des Africains.
 
Officiellement, la France laisse entendre qu’il est trop tôt, à un an du sommet, pour se prononcer. Il serait cependant surprenant que le président François Hollande ne favorise pas un Africain, compte tenu de l’importance de ce continent dans sa politique internationale. Même si le nom du maire de Paris, Bertrand Delanoë, a circulé, le Quai d’Orsay aurait abandonné l’idée d’une candidature française. L’Afrique y serait réticente. Des Français dirigent déjà la majorité des grands « opérateurs » comme TV5 Monde et l’Agence universitaire de la Francophonie.
 
À Québec, le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, refuse lui aussi de se prononcer sur la candidature de Michaëlle Jean. On sait que l’ancienne animatrice de Radio-Canada a eu des relations difficiles avec les souverainistes, dont elle fut proche avant de leur tourner le dos et d’accepter la proposition de l’ancien premier ministre Paul Martin de devenir gouverneure générale. Si le nom de Jean Charest a longtemps été évoqué, il ne serait plus d’actualité. L’ancien premier ministre québécois n’aurait pas l’appui de Stephen Harper.
 
Peu d’expérience du pouvoir
 
Le principal atout de Michaëlle Jean reste son image. À 56 ans, elle a l’âge idéal. Haïtienne, française, canadienne et québécoise, elle a toujours fait valoir ses identités multiples. Mais, comme elle n’a jamais dirigé de gouvernement, son peu d’expérience du pouvoir représente un handicap majeur. Contrairement à l’ancien président du Sénégal Abdou Diouf et à son prédécesseur, l’ancien secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros Ghali, Michaëlle Jean a surtout assumé des fonctions honorifiques. « Le secrétaire général de l’OIF doit savoir réagir en situation de crise et se faire entendre des chefs d’État, particulièrement africains », dit un observateur proche de l’OIF. À Paris, on s’étonne aussi du paradoxe qui consisterait à voir la Francophonie dirigée par une ancienne représentante de la reine d’Angleterre.
 
Même si les candidats aussi expérimentés qu’Abdou Diouf ne sont pas légion, quelques noms circulent, comme celui de l’ancien premier ministre de la République du Congo Henri Lopes, âgé de 76 ans. On cite aussi des candidats plus jeunes, comme Kadré Désiré Ouedraogo, président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, et Luc Adolphe Tiao, premier ministre du Burkina Faso.
Le choix d’un secrétaire général de l’OIF peut s’étirer jusqu’à la dernière minute. La décision se prend généralement par consensus. Dans tous les cas, l’appui de la France, principal pourvoyeur de l’OIF, demeure incontournable.