AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

La qualité de la terminologie des conventions collectives

Auteur: 
Bulletin Travailler en français, FTQ

Par Gaston Bernier, président de l’ASULF
On a déjà dit que l’ensemble des lois d’un pays constituait un corpus extraordinaire d’écrits, lequel pourrait être considéré comme faisant partie de la littérature. On pourrait affirmer de la même façon que la rédaction et la production des conventions collectives tient de l’oeuvre collective. Elles ont une influence sur les ébauches en négociation, en gestation, non seulement en matière de contenu mais également en matière de langue.
 
L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française (Asulf), mise sur pied en 1986, s’intéresse depuis sa fondation à la qualité de la syntaxe et de la terminologie employées dans les ententes et conventions. Le président fondateur de l’Asulf, Robert Auclair, rappelle souvent qu’au départ il a fallu exercer des pressions pour obtenir des conventions rédigées en français. Une fois cette exigence honorée, il a fallu faire en sorte qu’elles soient bien rédigées, que les impropriétés soient corrigées, que les calques en soient chassés.
 
La qualité du français est probablement, d’un point de vue théorique, un objectif visé par toutes les parties en négociation. Chacune d’elles souhaitera, à n’en pas douter, que les conventions collectives entérinées soient écrites dans une langue impeccable. Les syndiqués comme les patrons accepteront aisément une telle exigence. Il en va de même des parlementaires ou des élus appelés à étudier les projets ou les propositions de loi.
 
Le premier facteur qui explique les fautes passées, celles qu’on accepte plus ou moins consciemment, est le contexte d’opposition sinon d’affrontement qui prévaut lors des rencontres de négociation. Les grandes préoccupations des porte-parole tournent autour des stratégies à adopter, de la recherche des failles du dossier du vis-à- vis, etc. Il serait surprenant que les négociateurs, à la fois au four et au moulin, aient le temps et le goût de contre-vérifier le bien-fondé d’une expression ou la définition d’un mot. On ne négocie pas en pensant au Bon usage ni au Petit Robert.
 
En deuxième lieu, on cherchera à s’appuyer sur les textes antérieurs, ceux produits au Québec depuis les années 1960 surtout. Antérieurement, les conventions étaient rédigées en anglais et les premiers textes français en gardèrent longtemps la marque. Les traductions littérales et les calques furent chose co urante. On en reproduit encore de nos jours, souvent automatiquement. Un dernier facteur joue contre l’amélioration de la qualité du français des textes « littéraires » que devraient être les conventions collectives : la prudence des négociateurs et des rédacteurs. Certains diraient leur pusillanimité. On semble craindre que le remplacement de « temps supplémentaire » par « heures supplémentaires », de « congé férié » par « jour férié », de « prime de départ » par « indemnité de départ » mène à une contestation ou à un grief.
 
Pour l’Asulf, les trois facteurs bloquent, du moins ralentissent l’amélioration des conventions collectives. La dynamique des négociations en est une d’opposition. Il faut tenir compte des textes du passé. On craint qu’un changement de vocabulaire conduise à la contestation. On pourrait aussi exciper du fait que les syndiqués comprennent les mots et expressions employés jusqu’à maintenant, mais ils comprendraient également les mots corrects. En dépit de toutes les astreintes, il est essentiel que les textes secrétés respectent les normes du meilleur français qui soit.