Les classiques des sciences sociales : une bibliothèque virtuelle aspire à diffuser des savoirs venus de toute la francophonie

Les classiques des sciences sociales : une bibliothèque virtuelle aspire à diffuser des savoirs venus de toute la francophonie

Auteur: 
Le Devoir, Réginald Harvey

Le site classiques.uqac.ca donne accès à 5500 écrits de 1400 auteurs
 
La bibliothèque numérique francophone « Les classiques des sciences sociales » s’est donné pour mandat de répandre le plus largement possible le savoir contenu dans les travaux des chercheurs québécois et dans ceux de la francophonie. Il est maintenant question d’en garnir les rayons en puisant dans le pluralisme des connaissances en provenance d’autres continents, mais comment vaincre les écueils pour y parvenir ?
 
La bibliothèque numérique « Les classiques des sciences sociales » a pris forme il y a près de 20 ans en mode Intranet, sous l’impulsion du professeur Jean-Marie Tremblay, qui en fut l’initiateur et le fondateur : « Il voulait donner accès, à ses étudiants en sociologie du cégep de Chicoutimi, à un ensemble de textes en sciences humaines et en sciences sociales ; il a travaillé tout seul longtemps, avant de s’entourer petit à petit d’un assez grand nombre de bénévoles », rapporte Émilie Tremblay, qui fait partie de cette équipe et qui est étudiante au doctorat en sociologie à l’UQAM.
 
Au début des années 2000, l’Université du Québec à Chicoutimi devient un partenaire important de la bibliothèque en hébergeant son site au sein d’un portail disponible dans Internet (classiques.uqac.ca). À partir de ce moment-là, il devient possible d’accéder librement et gratuitement à un ensemble de textes et d’oeuvres en langue française principalement, ce qui correspond à sa véritable mission : « La plupart de ces écrits, environ 5500 produits par environ 1400 auteurs, émanent de scientifiques québécois, canadiens, français, belges et suisses ; il y a une grande majorité des travaux qui appartiennent à des chercheurs occidentaux, bien que s’y greffent tranquillement ceux d’auteurs en provenance de différents pays de l’Afrique de l’Ouest, du Maghreb et d’Haïti », signale la bénévole.
 
L’accès à d’autres continents
 
L’équipe du professeur Tremblay n’a de cesse d’enrichir le site en y ajoutant des textes qu’elle prend soin de traiter numériquement, ce qui en soi n’est pas une mince tâche, mais il se pose un problème d’un autre ordre, dont il sera question lors du forum et qui relève de la diffusion d’une diversité des savoirs : « Ils sont produits dans un ensemble de milieux universitaires dans différents pays et régions du monde ; ils témoignent évidemment d’une diversité dans la conception idéologique, théorique, politique et sociale d’un endroit à l’autre de la planète. Il importe donc de donner accès à une pluralité de connaissances qui ne sont pas toujours visibles dans un ensemble de base de données ou de plates-formes, voire de bibliothèques plus traditionnelles, où ces ouvrages ne se retrouvent pas toujours », soutient-elle.
 
Les usagers d’un tel service sont ceux-là mêmes qui aspirent à un élargissement du spectre des ouvrages diffusés. Elle pose le constat que « plus le temps passe, plus les gens consultent son contenu. La bibliothèque est même très visitée en dehors de l’Occident et, très régulièrement, on reçoit les témoignages de gens qui fréquentent “ Les classiques ” ; on prend conscience de ce fait, mais on aimerait aussi donner accès à ce qui se produit ailleurs et pas seulement à ce qui se réalise ici. »
 
Partenariats multiples
 
Quels sont les moyens à prendre pour parvenir à repérer et à rassembler cette richesse intellectuelle qui foisonne à l’échelle du globe ? « Le plus grand défi, c’est probablement d’entrer en contact et de nouer des collaborations avec des chercheurs et des réseaux de chercheurs oeuvrant sur d’autres continents, afin de susciter leur intérêt ; il faut y mettre un certain temps avant que ceux-ci ne connaissent et ne comprennent “ Les classiques ” et sa mission, pour finalement choisir d’y diffuser leurs travaux. Comment rejoindre des gens qui vivent en Côte d’Ivoire, avec lesquels nous sommes moins familiers ? Comment les atteindre et entrer en communication avec eux pour qu’ils participent à cette mission-là de diffusion des savoirs ? »
 
La doctorante témoigne d’expériences enrichissantes qui sont vécues ailleurs : « On sait qu’il existe beaucoup d’initiatives superintéressantes : par exemple, en Afrique, il y a déjà des plates-formes de revues en ligne qui donnent accès gratuitement à des sites renfermant des articles publiés par des chercheurs africains ; il y a aussi le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), qui diffuse également un grand nombre de publications. Alors, on cherche la façon de créer des partenariats avec ces initiatives-là. C’est facile de repérer un texte ou article disponible dans “ Les classiques ” avec les moteurs de recherche et on voudrait contribuer aussi à donner une plus grande visibilité à ces connaissances venues de l’étranger, en tissant des liens avec des organisations et des établissements déjà existants. »
 
Les pistes suivies et les avancées numériques
 
Émilie Tremblay assure que toute la francophonie, et pas seulement l’Afrique, qui est un bastion francophone en pleine émergence, suscite un intérêt dans le but d’augmenter et de diversifier le nombre des publications. Pour arriver à cette fin, elle explique la stratégie retenue : « On utilise les courriels, mais il est parfois difficile de trouver les bonnes adresses sur le vaste continent africain ; c’est surtout en passant par des organisations comme le CODESRIA, qui, dans ce cas, regroupe un grand nombre d’intellectuels africains, que des portes s’ouvrent ; il devient alors plus facile de contacter des gens qui, à leur tour, nous dirigent vers d’autres personnes ou des réseaux. »
 
Pour la doctorante, qui vit depuis plusieurs années une expérience d’édition numérique du savoir, l’avenir de cette forme de diffusion se présente de la sorte : « Si on parle d’accès libre, je pense qu’on peut entrevoir ce futur par une diversité de stratégies et d’initiatives, autant du côté de l’auto-archivage que du dépôt institutionnel de l’information scientifique et technique. Ces initiatives différentes viendront des organisations, des universités et d’un ensemble d’acteurs pour que puissent être encore plus accessibles des savoirs qui sont souvent, il faut le dire, issus de la recherche publique financée par les gouvernements. »
 
Collaborateur
 
Émilie Tremblay prononcera la conférence « Auteurs non occidentaux dans la bibliothèque numérique francophone Les Classiques des sciences sociales : situation actuelle et défis », dans le cadre du groupe « Diffusion du savoir libre et francophonie : diversité ou occidentalocentrisme ? », le dimanche 13 octobre à 13 heures.