AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
Loi sur les services en français: une goutte d’eau dans la mer du bilinguisme
C’est à l’occasion de la journée des Franco-Ontariens que la désignation de l’Université d’Ottawa (U d’O) en vertu de la Loi sur les services en français a été annoncée, le tout se déroulant devant le Monument de la Francophonie. Une question demeure toutefois : la désignation changera-t-elle quelque chose au quotidien des francophones ou n’est-elle que symbolique?
« Quelle journée de fierté pour l’Université d’Ottawa » a déclaré le recteur Allan Rock le matin du 25 septembre. La désignation partielle, en vertu de la Loi sur les services en français, aussi appelée Loi 8, entrera en vigueur le 1er janvier 2016 et permettra aux étudiants du premier cycle de suivre leur programme entièrement en français. Malgré la désignation dite partielle, Sébastien Grammond, professeur à la Faculté de droit, soutient que sa portée sera très large et qu’elle atteindra plusieurs services.
La désignation a quand même nécessité plus de trois ans de négociations pour qu’elle devienne officielle, étant donné que la Loi 8 est principalement destinée aux services gouvernementaux et non aux universités. « Nous avons trouvé difficile d’adapter la loi dans un contexte universitaire où chaque année, il faut modifier l’offre des programmes pour rencontrer les besoins changeants de nos étudiants », explique Allan Rock.
La désignation donnera également aux étudiants le pouvoir de porter plainte au Commissaire aux services en français de l’Ontario. Pour Benoit Jolicoeur, diplômé de l’U d’O, cette possibilité n’est pas sans importance. « Avec ces plaintes, peut-être qu’on se rendra compte que l’U d’O n’est pas l’université des Franco-Ontariens, comme elle le prétend, et que seule une université de langue française en Ontario pourra un jour porter ce titre », affirme-t-il.
Le cas de l’Université Laurentienne
L’U d’O n’est pas la première université à obtenir la désignation. En effet, l’Université Laurentienne de Sudbury a obtenu la sienne en mai 2014. Pourquoi donc? « On voulait lancer un message clair à la population ontarienne de l’importance qu’on accorde à la francophonie au sein de notre communauté universitaire », déclare le recteur Dominic Giroux.
La représentante du RÉFO de l’Université Laurentienne, Josée Joliat, met toutefois les étudiants en garde. « Je n’ai pas constaté de changements après l’adoption de la désignation partielle. C’est quelque chose qui parait bien pour l’Université, mais des cours en français se font encore annuler quand il n’y a pas assez d’étudiants », explique-t-elle.
Des réserves sont de mise
Alors que l’administration de l’Université se réjouit, Alain Dupuis, directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), est mitigé. « C’est un bon premier pas. La désignation protège ce qui existe déjà, mais elle n’oblige pas l’Université à en faire plus », explique-t-il.
Dupuis s’est également dit surpris de constater un bon nombre d’exclusions à la Loi. On pense notamment aux facultés de génie et de sciences, qui ne sont pas protégées par celle-ci, alors que ce sont des programmes de celles-ci qui sont moins accesibles pour les étudiants désirant étudier exclusivement en français. De plus, les programmes d’études supérieures ne sont pas couverts par la désignation.
Le directeur général est déçu de constater que la Loi ne tenait pas compte des clubs compétitifs de sport, de la vie étudiante, de la gouvernance francophone, du matériel didactique ou de la proportion d’étudiants francophones en déclin. « Il reste beaucoup de travail à faire pour que le bilinguisme soit réellement égalitaire au sein de l’Université d’Ottawa », déclare-t-il.
Finalement, Linda Cardinal, professeure et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie de l’U d’O, fait valoir qu’il serait dommage que l’Université voit la désignation comme une fin en soi, et non comme le point de départ pour d’autres améliorations et résume bien l’inquiétude de plusieurs : « La désignation, c’est une goutte dans la mer de tout ce que doit représenter l’engagement [pour la francophonie] d’une institution universitaire ».