AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

BANNIÈRES EN ANGLAIS - Le temps d’agir

Auteur: 
Antoine Robitaille, Le Devoir.com

Philippe Couillard, mercredi, n’a pas exclu la possibilité d’ouvrir la Charte de la langue française afin d’améliorer le visage français du Québec. Il faut s’en réjouir. Étant donné le peu de sensibilité du premier ministre pour la protection du français, on se serait attendu à ce qu’il écarte d’emblée cette possibilité. (À preuve, les crédits alloués à la défense de la langue ont baissé de 1,6 million, apprenait-on mercredi à l’étude des crédits.)
 
Rappelons que la Cour d’appel a, contre l’avis de Québec, confirmé le jugement rendu le 9 avril 2014 par la Cour supérieure. Celle-ci déboutait alors Québec et permettait à six entreprises dont la marque de commerce est enregistrée uniquement dans une autre langue que le français de l’afficher seule : Best Buy, Costco Wholesale, Gap, Old Navy, Guess, Walmart et Toys « R » Us.
 
Les motifs écrits de la Cour d’appel ne sont toujours pas disponibles. On sait toutefois qu’elle confirme la décision de la Cour supérieure, qui était limpide. L’Office québécois de la langue française (OQLF) a toléré longtemps la pratique d’afficher une marque de commerce unilingue. Mais après avoir tenté en vain d’en venir à une solution avec les multinationales impliquées, il leur a fait parvenir des mises en demeure. Ce qui « était toléré, voire accepté »constituait soudainement, aux yeux de l’Office, « une infraction ».
 
A-t-il été utile d’en appeller de ce jugement ? Non. Le gouvernement aurait dû agir tout de suite et « toucher à la loi 101 ». En 2014, la Cour écrivait : « C’est au législateur québécois qu’il appartient de montrer la voie s’il estime que le visage linguistique français du Québec souffre d’une vague, voire d’une déferlante des marques de commerce de langue anglaise dans l’affichage public et d’imposer, par la voie législative au besoin, les solutions qu’il juge adéquates. Ce choix relève de la fonction politique et non du pouvoir judiciaire. »
 
M. Couillard veut prendre connaissance des motifs de la Cour d’appel avant de décider quelle voie il privilégie. Évidemment. Mais en fait, il n’a plus tellement le choix. Tenter de porter l’affaire en Cour suprême serait une perte de temps. Dans nos pages il y a un an, le juriste Éric Poirier soutenait que Québec pouvait très bien utiliser son pouvoir en matière de « commerce à l’intérieur d’une province » et créer une obligation pour les entreprises qui affichent une marque de commerce uniquement en anglais d’y joindre des éléments en français. Un générique par exemple. Contrairement à ce qu’a bêtement dit le chef caquiste François Legault mercredi, il ne s’agirait pas de les contraindre à traduire « Second Cup » par « Deuxième tasse » ! L’entreprise Second Cup, elle, oui, en passant ! Elle a inscrit il y a des années « Les cafés » devant sa marque de commerce, contribuant ainsi au visage français du Québec, qui en a bien besoin.