Le berrichon doit-il être reconnu comme une langue de France ?
Le berrichon doit-il être reconnu comme une langue de France ?
Quel statut doit avoir le berrichon ? Un patois local ou une vraie langue de France ? Chez ceux qui le parlent dans le Berry, les avis divergent.
«Le berrichon n'est pas reconnu langue de France. Depuis dix ans, j'envoie des e-mails pour que des personnes s'en occupent. Rien. Le champenois est devenu langue de France en 2000, l'angevin en 2005, le saintongeais en 2007 ! »
Marc-André Dubois, un lecteur de la République du Centre habitant dans le Giennois, souhaiterait voir la langue berrichonne reconnue. Ce patois se reconnaît aussi bien à ses idiomes particuliers qu'à son accent profond. Alors que Jean-Marc Ayrault annonce la ratification de la charte des langues régionales*, on peut s'interroger sur le statut du berrichon.
« On peut considérer que ça fait partie des nombreuses langues d'oïl, explique Michel Alessio, à la Direction générale des langues de France. On ne l'a pas listé spécifiquement, pour ne pas multiplier les appellations, ou peut-être parce que le berrichon n'est pas assez distinct du français. En outre, ce n'est plus beaucoup parlé aujourd'hui. »
Pour autant, il ne rejette pas la valeur de ce patois. « J'estime que ce sont les oeuvres qui font vivre les langues, et pas l'inverse. Il faut que les gens continuent d'écrire en berrichon. »
Jacques Lelièvre, poète amateur de Poilly-lez-Gien, « mi-berrichon, mi-solognot », aime à rédiger certains textes en berrichon. « Ce que j'écris hérisserait sans doute les cheveux des puristes, le berrichon évolue selon les gens. Le vocabulaire est plus riche et l'accent plus marqué en descendant vers le sud. »
« Une langue, c'est beaucoup dire… »
Cet amoureux du berrichon souhaite « qu'il ne tombe pas dans l'oubli : on le parle encore dans les campagnes, mais c'est surtout les anciens. C'est la richesse du terroir, à préserver pour les générations à venir. »
Pour autant, le poète ne considère pas qu'il s'agit d'une langue. « Ce serait beaucoup dire… C'est un patois, une façon de parler le français qui s'est pérennisée. » Le berrichon a son vocabulaire (parfois très proche du vieux français), mais n'a pas de grammaire propre. Il se distingue notamment par ses prononciations : « r » roulés, voyelles prononcées du fond de la gorge, « oi » se lit « ouë »…
À Vailly-sur-Sauldre (Cher), des habitants ont entrepris d'enregistrer des textes en berrichon pour conserver sa valeur orale, ses intonations, la musique des phrases…
Ceux que le statu quo ne satisfant pas ont leur mot à dire, explique Michel Alessio. « Il suffit de nous envoyer un courrier, et on avisera. »
(*) La charte européenne des langues régionales a été créée en 1992, sous l'impulsion du Conseil de l'Europe, pour protéger et favoriser les langues historiques régionales et les langues des minorités sur le continent. La France a signé la charte sans la faire ratifier.
Poème. Jacque Lelièvre a écrit un poème, « Ils m'appelont le conteu » en berrichon. Voici la 1ère strophe :
« Depis qu'j'ai écrit des rimouées,
Les vouésins i's m'app'lont l'conteu.
C'est pas qu'ma pleume a seye ben douée,
J'suis jamais qu'un chtit rimailleu. »
« Depuis que j'ai écrit des vers, les voisins m'appellent le poète. Ce n'est pas que ma plume soit très bonne, je ne suis jamais qu'un mauvais poète. »
Des lexiques montrent la richesse du vocabulaire berrichon. Voici quelques exemples : « agouantise » (espièglerie) ; « babifou » (bouffon) ; « jirande » (femme en couche) ; « pagnot » (mou) ; « aboïfou » (étourdi) ; « quesmandeux » (pique-assiette, parasite) ; « brament » (bravement)…
Le Berry est une ancienne province de l'Ancien régime, couvrant un vaste territoire : sud-est du Loiret, Cher, Indre, sud du Loir-et-Cher, et nord de la Creuse. Sa capitale était Bourges.
Caroline Bozec
caroline.bozec@centrefrance.com