AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
L'attrait du français est en hausse dans le monde
La francophonie exerce un attrait sans cesse croissant dans le monde, notamment parce qu'elle est un symbole de la diversité culturelle.
«Jamais je n'ai senti un tel désir de francophonie, car les peuples rejettent l'uniformisation qu'apporte une langue unique», témoigne Clément Duhaime, administrateur de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) depuis 10 ans. Or, qui dit diversité dit tolérance et ouverture.
«À l'heure où une espèce de brouillard envahit la planète et que nous risquons de ne plus voir que l'autre peut nous enrichir, la Francophonie peut aider les débats si on lui en donne les moyens, a poursuivi M. Duhaime. La Francophonie, cet espace de contrastes, a toujours porté une autre vision du monde, qui fait entendre plusieurs sensibilités.»
Or, c'est là que le bât blesse, puisque les ressources financières de l'OIF, tributaires des contributions des pays membres, n'augmentent pas, les rares pays riches qui en font partie ayant réduit ou maintenu – sans plus – leur contribution. Et 23 des adhérents de l'Organisation sont des pays moins avancés, principalement en Afrique.
M. Duhaime a prononcé une conférence à l'Université de Montréal le 17 février, intitulée «La Francophonie face aux mutations du monde». La rencontre était organisée par le Bureau de la valorisation de la langue française et de la francophonie, dont c'était la première grande activité, en collaboration avec le Centre d'études et de recherches internationales de l'UdeM.
M. Duhaime est observateur et acteur de la francophonie depuis plusieurs décennies, et plus particulièrement depuis 2005, lorsqu'il a fait équipe avec le secrétaire général Abdou Diouf, remplacé en décembre dernier par Michaëlle Jean, une diplômée de l'Université. L'OIF, qui réunissait 20 membres à sa création en 1970, en compte aujourd'hui plus de 80. Elle s'intéresse à l'éducation, à la démocratisation, aux droits de l'homme et, pour M. Duhaime, la Francophonie dans le monde est indissociable de la sécurité économique et du droit à l'emploi. «Nous devons répondre aux défis de la langue, mais aussi aux défis de l'emploi et de la sécurité.»
La conférence de M. Duhaime était diffusée simultanément au Mexique, au Brésil et en Colombie-Britannique grâce au Centre de la francophonie des Amériques. Des questions lui ont été posées par ces participants éloignés mais aussi, naturellement, par les personnes venues entendre la communication de M. Duhaime dans une salle du pavillon Roger-Gaudry.
Si M. Duhaime a exprimé sa déception vis-à-vis du manque de ressources financières de l'OIF, il a défendu bec et ongles les gestes et actions de l'Organisation. Et, à la question de savoir pourquoi l'OIF ne jouait pas un plus grand rôle dans la prévention des conflits en Afrique, il a rétorqué en citant le succès de ses interventions en Côte d'Ivoire, où la démocratie a retrouvé sa place, et en Guinée, où l'OIF a effectué un travail discret mais efficace. «Et, lorsque je sais que quatre millions d'enfants répartis dans 350 centres de lecture dans 20 pays ont appris à lire, je suis heureux.»
«Je suis fatigué d'entendre que l'Afrique francophone va mal et que l'Afrique anglophone va bien, a-t-il lancé. L'OIF privilégie une diplomatie d'accompagnement des pays membres et nous suivons de près leurs progrès en matière des droits de l'homme.» Et M. Duhaime d'ajouter : «Comment donner des leçons de démocratie quand on sait que, dans les années 60, ici, on achetait des votes avec des bouts de route et des frigos?»
Pour M. Duhaime, la force de la Francophonie ne sera jamais financière, mais elle sera faite de la multiplication de réseaux. D'ailleurs, à cet égard, il a salué le partenariat historique de l'OIF avec l'UdeM. Et c'est tout à fait dans cette lignée que l'Université de Montréal s'est associée récemment aux universités de Bruxelles et de Genève pour créer le G3, favorisant les échanges scientifiques en français.
Pour sa part, Monique Cormier, professeure au Département de linguistique et de traduction et directrice du Bureau de la valorisation de la langue française et de la francophonie, a rappelé que le sort du français se joue sur l'échiquier mondial. L'unité qu'elle dirige contribuera à rendre les futurs étudiants conscients de l'atout que représente cette langue, qui incarne l'ouverture et la diversité, a-t-elle dit, en saluant la décision du recteur, Guy Breton, de créer ce bureau.
«Le français n'est ni ringard ni dépassé, a déclaré de son côté M. Duhaime. En revanche, dire qu'il n'y a pas de salut hors du français est erroné, car l'homme moderne parle plusieurs langues.»