AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE
Le français est-il vraiment menacé au Canada?
Un nouveau sondage commandé par la ville d'Ottawa révèle de profondes fractures entre les deux communautés linguistiques officielles du pays. Les trois quarts des francophones jugent la langue française menacée tandis qu'un tiers des anglophones partagent cet avis.
Qu'importent les directives du gouvernement québécois tentant de réimplanter la langue de Molière dans les petites et moyennes entreprises ou la loi sur les Langues officielles de 1969 censée garantir le bilinguisme dans le pays, le français est et reste une affaire de francophones au Canada. Le dernier sondage réalisé pour le ministère du Patrimoine, à la veille du cent cinquantième anniversaire de l'état, en est la parfaite représentation.
Sur 1501 personnes sondées dans le pays, rapporte le journal Le Devoir, trois quarts des francophones se disent inquiets de l'avenir de la langue française et indirectement du bilinguisme au Canada alors qu'à peine un tiers des locuteurs anglophones jugent la question mineure. Des différences de perception et d'intérêt bien établies qui se rejoignent sur l'efficacité des politiques à protéger les deux langues officielles.
Non seulement les francophones considèrent à plus de 70%, l'avenir de la langue française en danger (contre 34% des anglophones) mais ils sont moins du tiers à juger la ville d'Ottawa, pourtant capitale du Canada, assez apte et «efficace» à protéger le bilinguisme dans le pays. De la même manière, ils sont 95% à penser que les diplômés du secondaire devraient «posséder une connaissance pratique» du français et de l'anglais, contre 62% des anglophones. Ces derniers ont d'ailleurs tendance à davantage privilégier l'espagnol (21%) comme seconde langue que les locuteurs du français (12%).
Un liant identitaire
Des écarts de perceptions relativement «normaux» nuance Linda Cardinal. Interrogée par le média québécois, la politologue et professeur à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa explique que «pour les anglophones, la dualité linguistique est perçue comme un compromis». Ainsi le bilinguisme n'est-il pas pour les locuteurs de la langue de Shakespeare «une façon de s'ouvrir à la diversité» tels que peuvent le penser les francophones, mais «comme un accommodement envers eux». Un moindre mal, certes, mais qui n'en reste pas moins l'une des principales richesses du pays.
Outre les divergences d'opinions entre les anglophones et les francophones, ces derniers s'accordent à dire que la dualité linguistique au Canada demeure un atout «facilitant la compréhension entre les Canadiens» et un avantage incontestable pour trouver un emploi, selon 80% des sondés. Ainsi malgré une supposée fracture linguistique, les deux communautés conviennent du bilinguisme comme un liant identitaire à 70% et essentiel à 54%.
Ce français que l'on adore détester devrait donc avoir encore de beaux jours devant lui... Reste maintenant à joindre le symbole à la parole.