AILLEURS DANS LA FRANCOPHONIE

Agropur défend ses VP unilingues anglais

Auteur: 
André Dubuc, La Presse

Le patron d'Agropur, Robert Coallier, a justifié hier, au nom de la compétence, le fait d'avoir embauché des anglophones unilingues à la vice-présidence d'Aliments Ultima, fabricant des yaourts Iögo, dont la principale usine est à Granby, en Montérégie. M. Coallier répondait à une question de La Presse Affaires, qui a reçu une lettre anonyme à la mi-janvier qui dénonçait les départs massifs de vice-présidents et l'anglicisation de l'organisation.
 
«Agropur ou Ultima sont rendues des entreprises de taille internationale. On n'engage pas sur la base de langue ; on engage sur la base de compétences», a répondu Robert Coallier sur les raisons de l'embauche de l'unilingue Dan Jewell comme vice-président fabrication.
 
La direction de la coopérative Agropur, une institution québécoise vieille de 77 ans, rencontrait les médias hier au terme de l'assemblée générale de la coopérative laitière, qui a entériné la diminution des ristournes versées aux membres pour la deuxième année de suite. Agropur détient 50 % d'Ultima, l'autre moitié des actions appartient à Agrifoods.
 
L'affirmation de M. Coallier, qui siège au conseil d'Ultima, ne manque pas d'étonner, sachant que le Québec est le premier fabricant de yogourt au Canada, responsable de 80 % de la production nationale. L'usine de Granby fabrique du yogourt depuis 1971 essentiellement sous l'autorité de responsables francophones. Le prédécesseur de M. Jewell, Sylvain Dionne, a assuré pendant près de 13 ans.
 
Entrés en poste récemment, le vice-président fabrication Dan Jewell et le vice-président marketing Simon Small sont deux unilingues anglophones.
 
Joint au téléphone, le président du syndicat des travailleurs d'Aliments Ultima, Martin Delage, rapporte que le directeur d'usine, Yves Dion, doit traduire les propos de M. Jewell quand celui-ci s'adresse aux employés. Lorsque les employés posent une question à M. Jewell, c'est M. Dion qui répond à sa place.
 
«C'est ben ordinaire d'avoir un patron qui ne nous comprend pas.» - Martin Delage, président du syndicat des travailleurs d'Aliments Ultima
 
Aliments Ultima possède deux usines : le gros du volume se concentre à Granby et le yogourt biologique est brassé en Colombie-Britannique.
 
Pour ce qui est du service marketing, les réunions et les courriels se font en anglais depuis l'entrée en fonction de Simon Small en mai 2015, selon un informateur qui tient à garder l'anonymat.
 
M. Small remplace Lucie Rémillard, à qui on aurait montré la porte. Elle avait pourtant piloté avec succès le lancement de la marque Iögo en 2012 au coût de 70 millions, l'un des plus gros lancements de produits agroalimentaires de l'histoire canadienne. La marque détient maintenant 19% du marché québécois.
 
Le lancement d'Iögo était audacieux, car Ultima se bat contre des multinationales comme Danone et General Mills qui ont des moyens autrement plus puissants qu'elle.
 
Depuis l'arrivée de Martin Parent à titre de président d'Aliments Ultima en juillet 2014, pas moins de sept vice-présidents d'Ultima sont partis. Un seul est resté en poste. Le site internet de l'entreprise n'est pas à jour.
 
Un climat de travail médiocre à Granby
D'après Martin Delage, président du syndicat, M. Parent a reçu le mandat de faire le ménage. «Le climat de travail est très médiocre. Les travailleurs ne se sentent pas respectés. Les membres de l'équipe Parent nous font penser à des mercenaires, qui ont le mandat de couper. Après, ils vont partir avec un beau boni», déplore-t-il. Le nombre d'employés syndiqués à Granby est passé de 396 à 291 en 18 mois.
 
Le remède de cheval donne des résultats, à court terme du moins. Ultima est maintenant rentable et M. Coallier a réitéré hier tout le bien qu'il pense du travail de Martin Parent.
 
«On est très heureux de la performance d'Aliments Ultima, dit-il. Quand on regarde les croissances qu'on a eues, les développements qu'on a eus dans notre entreprise, je pense qu'on a fait de très bons choix au niveau des recrutements.»
 
Revenus en hausse, excédents en baisse
Pour la 10e année de suite, les revenus sont en croissance et atteignent maintenant 5,9 milliards : 56% au Canada et 44% aux États-Unis. La rentabilité a suivi la trajectoire inverse. Les excédents nets avant ristournes et impôts passent de 140,8 millions, en 2014, à 87,8 millions, en 2015, une baisse de 38%.
 
Des ristournes qui fondent
Les ristournes fondent comme du beurre dans la poêle chez Agropur. Elles sont passées de 110 millions en 2013, à 92,3 millions en 2014, puis à 40,6 millions en 2015. Le président d'Agropur, Serge Riendeau, a soutenu en conférence de presse que la baisse des ristournes n'était pas un sujet de préoccupation des membres de la coopérative.
 
Les prix sont bas
Agropur, qui a acquis Davisco des États-Unis en juillet 2014, doit composer avec la baisse du prix du bloc de fromage chez nos voisins du Sud depuis septembre 2014. Le prix mondial de la poudre de lait entier est également à la baisse. Ces éléments affectent négativement les résultats. La coopérative doit en outre passer à la dépense 145 millions en amortissement, un chiffre gonflé par la perte de valeur du dollar canadien. Les frais financiers explosent, passant de 9 millions à 41,7 millions en un an.
 
Agropur en chiffres
Coopérative laitière fondée en 1938
Revenus de 5,9 milliards
3367 membres
8000 employés
5,6 milliards de litres de lait transformés
39 usines
Principales marques :  Oka, Québon, Natrel, Iögo